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Enseigner
La relation maître élève
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Elle a été très tôt lobjet de débats passionnés.
Dans ses Prolégomènes, Ibn Khaldûn, sintéresse à lenseignement des jeunes élèves :
« Employer trop de sévérité dans lenseignement des enfants leur est très nuisible, surtout quand ils sont encore en bas âge, parce que cela donne à leur esprit une mauvaise disposition. Les enfants élevés avec sévérité, tant les écoliers que les mumlouks (esclaves blancs) ou khadims (esclaves noirs), en sont tellement accablés que leur esprit se rétrécit et perd son élasticité.
Cela les dispose à la paresse, les porte au mensonge et au khabth, terme qui signifie : « manifester un autre sentiment que celui quon éprouve réellement, et cela dans le but déviter un châtiment ». Ils apprennent ainsi la dissimulation et la fraude, vices qui leur deviennent habituels et comme une seconde nature. Les sentiments qui font honneur à lhomme et qui naissent dans la civilisation et dans la vie sociale saffaiblissent tellement que des gens ainsi élevés, quils deviennent incapables dagir pour eux-mêmes et restent à la charge dautrui. Bien plus, leur âme se détend au point quelle ne cherche pas à sorner de belles qualités ou à se distinguer par un noble caractère ; elle sarrête dans cette voie avant dêtre arrivée au terme de sa course, au but que la nature humaine, dont elle participe, lui avait assigné.(
) Voilà pourquoi les peuples soumis à un régime oppressif tombent dans la dégradation. Parcourez successivement toutes les nations qui subissent la domination de létranger ; elles ne conservent plus cette noblesse de caractère qui assure lindépendance, et vous trouverez de nombreux exemples de ce fait. »
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Ou encore
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« Lenseignement fait partie des arts
Pour être habile dans ce qui est science, pour en posséder des connaissances sûres et sen rendre parfaitement maître, il faut avoir acquis la faculté de bien comprendre les bases et les principes sur lesquels cette science est fondée, avoir étudié les problèmes qui sy rattachent et en avoir parcouru les fondamentaux dans toutes leurs ramifications. On ne devient pas habile dans une branche de la connaissance tant quon ne possède pas la faculté dont nous parlons et quil ne faut pas confondre avec celle dentendre et de retenir
. »
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Et cest dans lespace de la Cité que se développent les sciences
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« Les connaissances (ou sciences) ne se multiplient que dans les lieux où la civilisation et les usages de la vie sédentaire ont fait de grands progrès
Lenseignement fait partie des arts, et ceux-ci se développent surtout dans les grandes villes. Plus la population dune ville est nombreuse et plus il y a de civilisation et de luxe, plus les arts se perfectionnent et se multiplient. (
) Que le lecteur se rappelle ce que nous avons dit au sujet de Bagdad, de Cordoue, de Cairouan, de Basra et de Koufa, quand nous parlions de la haute prospérité dont ces villes jouissaient dans les premiers temps de lislamisme, et de la civilisation qui y régnait. Locéan des sciences y était plein à déborder. On y avait adopté divers systèmes technologiques pour la pratique de lenseignement et des autres arts ; on sy occupait à résoudre des problèmes scientifiques et à suivre la culture des sciences dans toutes leurs branches, et lon avait fini par lemporter sur les anciens et aller plus loin que les modernes. Mais, lorsque ces villes furent déchues de leur prospérité et que leurs habitants se dispersèrent de tous les côtés, le tapis de la science quon y avait employé fut plié et enlevé avec tout ce qui le couvrait. Les sciences en disparurent alors, ainsi que lenseignement, pour se transporter dans les autres villes musulmanes. Autant que je puisse en juger, elles ne se trouvent, de nos jours, que dans le Caire, et cela parce que lEgypte a joui, depuis plusieurs milliers dannées, dune grande prospérité et dune civilisation bien établie ; aussi les divers arts, et lenseignement en est un, y ont pris un grand développement et une assiette solide. »
Ibn Khaldûn, Les Prolégomènes, Imprimerie impériale, 1868.
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