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Traduire

Il fut un temps où des hommes parcourant le monde, allaient et venaient, de Bagdad à Samarcande, de Grenade au Caire, de Damas à Balkh, de Fez à Ispahan. C’étaient des savants et leur langue commune était l’arabe.
A la fois philosophes, astronomes, mathématiciens, médecins, tous étaient mus par la même idée d’une croissance historique du savoir et d’une construction graduelle de la pensée et de la sagesse. Ils se devaient d’aller chercher la vérité et la connaissance où qu’elles soient, chez les Anciens, chez les peuples aux savoir-faire ancestraux, chez les savants des autres pays, de les adapter au temps en les faisant parler arabe pour en débattre et pour les transmettre.

Une tradition de traduction existait depuis au moins le IVe ap. J.-C. dans certaines régions et tout un système d’écoles de traduction en syriaque avait été mis en place.
Des familles de lettrés, en particulier de médecins, avaient encouragé cette entreprise de traduction.
Ainsi, le célèbre traducteur Hunayn ibn Ishâq au IIIe H. / IXe ap. J.-C. traduisit dans un premier temps en syriaque l’ouvrage de Galien, De sectis, sorte d’introduction à la médecine, avant de le traduire en arabe pour le compte de Muhammad ibn Musâ,l ’un des trois frères Banu Musa, des astronomes et mathématiciens qui jouissaient alors d’une grande réputation.
Ces multiples traductions témoignaient d’une stratégie d’appropriation de l’Antiquité par les savants des terres d’Islam, consciente, résolue, méthodique, passionnée. Cette quête, qui incluait tous les champs du savoir, s’inscrivait dans la tradition de l’adab.

L’adab est à la fois un esprit, une méthode et un code qui posait la nécessité, pour l’honnête homme, d’un savoir large et non spécialisé, transmis par des ouvrages mariant le sérieux et la détente, savoir faisant l’objet de discussions et de débats au sein d’une communauté sociale ou scientifique.

Les traductions en langue arabe commencées avant le IIe H./VIIIe ap.J.-C. s’accélèrent au IIIe/IXe suivant la volonté politique des califes abbassides Harûn al-Rashid et al-Ma’mûn ; elles contribuèrent très largement à donner, pour de longs siècles, un statut d’universalité à la langue arabe.
Le processus de traduction, dicté par un besoin de connaissances, d’échange, de progrès, fut très intimement lié aux découvertes en cours, au progrès des disciplines (arabisation d’un mot grec puis création d’un mot arabe dès l’appropriation du concept), à l’enrichissement de la langue arabe. C’est la raison pour laquelle, le traducteur put éprouver le besoin de reprendre à plusieurs reprises sa propre traduction.

L’essentiel des traductions, quelle que soit la discipline (médecine, astronomie, mathématiques, etc.) concerna le corpus grec. Aristote, Galien, Ptolémée furent abondamment traduits et commentés. Leurs ouvrages servirent de base à l’enseignement et à la réflexion des scientifiques durant tout le Moyen Âge.


Galien,
Recueil de Galien sur les maladies oculaires
Traduction de Hunayn ibn Ishâq
Le Caire, Bibliothèque nationale d’Egypte,
cote tib taymur 100

Des textes furent également traduits du babylonien, du sanskrit et du persan, faisant progresser certaines disciplines telles que les mathématiques arabes qui furent enrichies des chiffres indiens et de la notion de sinus permettant une avancée de la trigonométrie et donc de l’astronomie ; la pharmacologie et la médecine arabes doivent également beaucoup à la tradition indienne.


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